Au moins depuis Woodworth (1899), la communauté scientifique reconnaît l’importance de la vision dans le contrôle du mouvement volontaire. Parallèlement, nous savons que l’utilisation des informations somatosensorielles dans la production de mouvements, dont l’étude a largement été initiée par Sherrington également au début du siècle dernier, est également indispensable. Cependant, la littérature reste relativement pauvre concernant les corrélats neuronaux du traitement des informations sensorielles pendant le contrôle du mouvement. L’objectif du présent travail de thèse vise à mieux comprendre l’implication des informations visuelles et somatosensorielles dans la réalisation de mouvements volontaires fluides et adaptés aux contraintes du monde qui nous environne. Plus précisément, nos travaux visent à étudier les mécanismes de pondération des informations visuelles et somatosensorielles dans le contrôle du mouvement volontaire visuoguidé de la main lorsque les retours sensoriels de ces deux canaux véhiculent des informations spatiales congruentes ou incongruentes. Une incongruence entre les informations visuelles et somatosensorielles apparaît dans la vie courante lorsque l’on porte des lunettes de correction ou que l’on utilise une souris d’ordinateur pour la première fois. Il est également possible de recréer expérimentalement cette situation d’incongruence, comme nous l’avons fait dans nos travaux, en décalant l’environnement visuel perçu des participants par l’intermédiaire de miroirs ou par l’utilisation d’un dispositif informatique. Dans de telles situations, nous avons demandé aux participants de suivre les contours d’une forme géométrique irrégulière avec un stylet sur une tablette graphique, au travers de protocoles expérimentaux qui permettaient ou non une adaptation à l'incongruence sensorielle. L’activité cérébrale des régions visuelles, somatosensorielles et pariétales postérieures a été enregistrée en électroencéphalographie, et quantifiée par la mesure de l’amplitude de potentiels évoqués visuels [Etude 1] et de la puissance des bandes de fréquences alpha (8-12 Hz), beta (15-25 Hz) et gamma (50-80 Hz) [Etudes 2 et 3]. Nous avons ainsi principalement mis en évidence que le mouvement visuoguidé entraînait une augmentation de l’activité au niveau des aires corticales visuelles. De plus, nous avons montré que le contrôle du mouvement en situation d’incongruence induisait une plus grande augmentation de l’excitabilité des cortex visuels, somatosensoriels et pariétaux postérieurs. Ces modulations reflèteraient des mécanismes de pondération du traitement de ces entrées sensorielles dans le but de s’adapter à cette situation. De manière intéressante, au niveau du cortex somatosensoriel, la situation d’incongruence sensorielle entraînait parallèlement une réduction iv spécifique de puissance gamma, probable reflet d’un état non adapté des participants, et qui pourrait bénéficier au contrôle du mouvement par réduction de l’intensité de l’incongruence. Enfin, nous avons mis en évidence que l’apprentissage moteur (ou le sur-apprentissage moteur) lors d’une tâche sans conflit ainsi que l’adaptation visuomotrice lors d’une tâche avec conflit conduisait à la réduction de l’activité au niveau du cortex occipital postérieur et du cortex pariétal postérieur droit. Nos travaux plaident en faveur de l‘existence de mécanismes de pondérations sensorielles qui permettent aux individus d'interagir de la façon la plus adaptée avec leur environnement en fonction du contexte sensoriel du mouvement. Plus généralement, nos résultats soutiennent l’idée que notre système nerveux est en mesure de moduler localement son activité en fonction de la pertinence du traitement des informations pour répondre aux exigences imposées par le contexte.