Lisa RAOUL soutiendra sa thèse le 28 Novembre 9h30 à l'Amphi Charve, Campus Marseille St -Charles.
Titre de la thèse : Etre un corps à l’adolescence. Approches neurocognitives des processus multisensoriels de l’expérience du corps, du soi et des autres.
Résumé :
Ces dernières années, plusieurs travaux de neurosciences cognitives ont montré que les processus sensoriels sous-tendent divers aspects de l'expérience subjective (pensées, émotions, perceptions, etc.) et influencent l'apparition de troubles mentaux (e.g. anorexie, anxiété). Rares sont ceux qui ont étudié ces liens à l'adolescence. Pourtant, à cet âge, tant les processus sensoriels que le contenu des expériences subjectives se transforment.
L'objectif de cette thèse est ainsi d'explorer les relations entre processus sensoriels et expériences subjectives à l'adolescence. Étant donné que la plupart des troubles mentaux se manifestent à cette période, une telle recherche entend mettre en lumière des éléments cruciaux pour avancer dans la compréhension du rôle des facteurs sensoriels dans la santé mentale.
Cette thèse comporte quatre études. Une première présente un modèle théorique discutant plusieurs approches (phénoménologie, neurosciences, psychologie) et permettant de conceptualiser les multiples liens entre processus sensoriels et expériences du corps, du soi et des autres. Ce modèle soutient l'idée ancienne que corps et subjectivité sont intimement liés. En somme, il théorise l'être un corps. Au sein de ce modèle, la conscience de soi corporelle, qui repose sur l'intégration multisensorielle, sous-tend divers aspects de l'expérience subjective. Une deuxième étude, ouvrant la perspective empirique du travail, porte sur des illusions d'appropriation du corps en réalité virtuelle chez des jeunes filles de 10 à 17 ans. Elle révèle, pour la première fois, que la conscience de soi corporelle devient de moins en moins malléable au cours de l'adolescence. Un point de basculement est observé autour de 14-16 ans. Une troisième étude fondée sur le même paradigme met en avant trois points majeurs. Premièrement, une composante de la conscience de soi corporelle, l'agentivité, est liée aux expériences sociales et aux pensées à propos de soi. Deuxièmement, une autre composante, le sentiment d'appartenance du corps, soutient la dimension affective de l'expérience du corps. Troisièmement, la précision intéroceptive est positivement corrélée à la malléabilité de la conscience de soi corporelle. Une quatrième étude rapporte les résultats d'une enquête menée auprès d'un vaste échantillon (n=734) d'adolescents et adolescentes. Des network analysis (analyses en réseaux) mettent en évidence des corrélations entre, d'un côté, la sensibilité somatosensorielle et intéroceptive et, d'un autre côté, diverses expériences du corps, du soi et des autres (e.g. estime de soi corporelle, anxiété sociale, prise de perspective). Elles suggèrent aussi que ces relations pourraient être modulées selon l'âge et le sexe.
Dans son ensemble, ce travail de thèse met en lumière des liens entre les processus sensoriels et divers aspects de l'expérience du corps, du soi et des autres chez les adolescents et adolescentes au développement « typique ». Il propose également de nouveaux éléments permettant d’avancer dans l'appréhension de l'être un corps dans la population générale. Les résultats peuvent aussi être éclairants pour de futurs travaux cliniques. En révélant des liens entre les processus sensoriels et les expériences subjectives au sein d'une population au développement « typique », ils posent des bases pour explorer comment des changements dans les processus sensoriels peuvent favoriser l'apparition ou le maintien de troubles liés à l'expérience du corps, du soi et des autres.